Crédit d’impôt en faveur des métiers d’art : le cas des agences de communication
Conseil d'État, 09/03/2016, MISTER BROWN, 381127
Conseil d'État, 09/03/2016, MISTIGRIS COMMUNICATION, 390719 10 mars 2016
C’est par deux arrêts du 09 mars 2016 que le Conseil d’Etat a finalement mis un terme au contentieux qui opposait l’administration fiscale à deux contribuables exerçant l’activité d’agence de communication dans le domaine de la création graphique. Dans ces deux contentieux, les contribuables demandaient le bénéfice du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012.
Dans le premier contentieux, le Ministre attaquait un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 08 avril 2014, MISTER BROWN, n°13PA02097 et 13PA02098) dans lequel nous avions remporté une première victoire en cela que la Cour avait repris l’essentiel de nos écritures et de notre argumentation. L’arrêt de la Cour, en substance, faisait valoir que les dispositions alors applicables des articles 244 quater O du Code Général des Impôts et 49 septies ZL de l’annexe III du même Code pouvaient s’interpréter à la lumière des dispositions des articles L511-1 et suivants du Code de Propriété Intellectuelle relatives aux dessins et modèles. Corrélativement, le travail de « conception de nouveaux produits » devait s’entendre du travail alloué aux seuls dessins et modèles, c’est-à-dire les travaux sur les formes, les contours, les lignes, les couleurs, les textures ou les matières.
Dans le second contentieux, nous attaquions un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 09 avril 2015, MISTIGRIS COMMUNICATION, n°13LY02447) qui avait débouté le contribuable de sa demande. Cet arrêt ajoutait éhontément à côté de la notion de conception de nouveaux produits une condition supplémentaire (ne figurant dans aucun texte) selon laquelle le bien conçu ne devait pas résulter d’une commande d’un client. Selon la Cour administrative d’appel de Lyon, la conception de nouveau produit devait ainsi s’entendre uniquement de travaux de conception de biens proposés à la vente, c’est-à-dire ne répondant pas à une demande d’un client.
Au travers de ces deux arrêts en miroir, l’un confirmant notre position, l’autre allant dans le sens de l’administration fiscale, le rapporteur public près le Conseil d’Etat a eu l’occasion de reprendre une par une les complexités de ce crédit d’impôt. Confirmant notre argumentation à chaque étape du raisonnement, le rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat de rejeter le pourvoi du Ministre contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris et de casser l’arrêt de la Cour administrative de Lyon.
Suivant les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi du Ministre dans le premier contentieux et a cassé l’arrêt des juges de Lyon dans le second contentieux. Aucun des moyens habituellement avancés par l’administration n’auront retenu l’attention de la Haute assemblée. Exit ainsi les argumentations de l’administration fondées sur les notions de « prestations de services », de « biens meubles corporels », d’ « intitulés de poste », de « méthodes innovantes », de « produits innovants », d’ « évolution substantielle » ou de « réflexion approfondie ». Sur les notions de « prestations de services » et de « biens meubles corporels », nous avions déjà obtenu une position de principe du Conseil d’Etat dans un précédent arrêt (CE, 09 avril 2014, ANGES ET DESIGN, MISTIRIS COMMUNICATION et PREVIEW CREATIVE AND MORE, n°373436) qui, au détour d’un contentieux de l’annulation, avait saisit l’occasion que nous lui avions donné pour invalider ces deux arguments régulièrement invoqués par l’administration fiscale.
Par ces deux arrêts du Conseil d’Etat, ce sont près d’une trentaine de contentieux en cours, dont les premiers ont été initiés en 2011, dans différentes juridictions qui vont finalement trouver une issue favorable pour le contribuable. Le Ministre semble d’ailleurs s’y ranger puisque dans plusieurs contentieux l’administration fiscale a décidé de faire spontanément droit aux demandes des contribuables que nous assistons.
La bataille aura quand même duré plus de cinq ans.