Salariés travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs :
cas des commerciaux
Cour administrative d'appel de Paris, 7/11/2013, 12PA01442 18 février 2014
Peuvent être retenus dans le calcul du crédit d'impôt recherche d'une part les chercheurs et d'autre part les techniciens. Cette distinction simple sur le plan théorique pose néanmoins d'importantes difficultés en pratique pour savoir si un membre du personnel d'une entreprise relève de l'une ou de l'autre de ces deux catégories, voire d'aucune des deux le cas échéant.
S'agissant des techniciens, la réglementation nous apprend qu'ils sont "les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs" pour "assurer le soutien technique indispensable" aux travaux de recherche et de développement expérimental. Le texte applicable liste ensuite trois exemples pour illustrer ce que l'on peut entendre par "étroite collaboration" et "assurer le soutien technique indispensable".
Quid d'un salarié commercial allouant une quote-part de son temps de travail à des activités réalisées en "étroite collaboration avec les chercheurs" pour "assurer le soutien technique indispensable" aux travaux de recherche et de développement expérimental ?
Cette question a été posée aux juges dans le cas d'un développement de logiciel de détermination de la valeur vénale de biens immobiliers reposant sur un modèle mathématique. Les commerciaux ont été directement impliqués dans les travaux de développement du logiciel. Cela est-il un fait suffisant pour légitimer leur inclusion dans l'assiette du crédit impôt recherche ?
Le contribuable estime que oui. De son côté, l'administration fiscale soutient que les commerciaux ne possèdent aucun diplôme, ni qualification professionnelle dans un domaine scientifique et technique et qu'ils occupent exclusivement des fonctions commerciales. Elle ajoute que leur rôle s'est borné à identifier les anomalies ou les erreurs du logiciel d'estimation, puis à transmettre ces informations à l'équipe de recherche-développement en l'absence de collaboration avec celle-ci.
Les juges d'appel notent cependant que ces salariés possèdent "une connaissance fine des différents segments de marché et des zones géographiques", et que s'ils n'ont pas participé directement à la modélisation mathématique, "ils ont collaboré à la mise au point du logiciel ; que leur soutien technique consistant en la modification, au fur et à mesure de l'élaboration du logiciel, des paramètres et des données initialement retenus pour l'algorithme s'est inscrit dans le processus itératif de développement expérimental." Sur ce motif, l'administration fiscale est déboutée de son appel et le contribuable est conforté dans son choix audacieux d'inclure certains de ses commerciaux dans le calcul du crédit impôt recherche.
La conclusion que l'on peut tirer de cette affaire est que :
- d'une part l'intitulé d'un poste de travail (ici commercial) n'est pas en soi un critère suffisant pour procéder aux qualifications juridiques nécessaires à l'appréciation du périmètre d'un crédit impôt recherche,
- d'autre part l'absence de diplôme de nature technique ou scientifique peut dans certains cas être un problème contournable,
- enfin, le crédit impôt recherche relève en définitive uniquement d'une appréciation factuelle des travaux menés afin de procéder aux bonnes qualifications juridiques.
Sur chacun de ces points, la position administrative pèche malheureusement trop souvent par des qualifications automatiques sur la base d'éléments factuels qui ne constituent aucunement des prérequis pour déterminer l'éligibilité ou le périmètre des crédits d'impôt.